13/02/2009

On finit par s'y faire, aux pieds...


Sur les chantiers de Common Ground comme partout aux Etats-Unis l'unité de mesure est le pied (foot) et le pouce (inch). C'est assez nouveau pour moi, mais je m'y fais. Ce n'est pas décimal, pour faire un foot, il faut 12 inches. 3 feet font 1 yard, à peu près 1 mètre. La subdivision des inches ce sont les eights, quand on divise par 8 ou les 16. Ce n'est pas absurde, mais ce n'est pas au millimètre! On ne dira pas 2,7 inches, mais 2 inches 3/4. Pour la construction ce n'est sans doute pas si grave.

La maison de Charlotte, sur laquelle j'ai travaillé cette semaine, est presque finie. Cependant, elle a appelé CommonGround parce que le sol de la cuisine n'était pas droit et semblait un peu faible. Avec Katrina, la maison a subi une inondation de 3 mètres. Voici une photo de la maison du voisin qui n'a pas été reconstruite.


C'est une maison shotgun typique, qui était initialement séparée en deux par le milieu pour deux familles. Charlotte a huit enfants, certains sont grands et n'habitent plus avec elle, mais comme le montre le plan, je n'arrive pas vraiment a comprendre où sont les chambres, qui sont des pièces traversantes, avec peu d'intimité. Aux Etats-Unis, dans la construction on utilise un module de 16 inches. C'est aussi l'entraxe utilisé dans la structure bois, pour les murs et les planchers. Les plaques de placo et de contreplaqué font toutes 3 x 16 inches, et correspondent parfaitement aux proportions des constructions. Pratique. Dans la maison de Charlotte on retrouve ces proportions dans la taille des pièces. En largeur la maison fait 18 modules de 16inches, en longueur 43 modules.


Charlotte a fait appel à une entreprise pour les travaux, celle-ci les a fait à la va-vite, a pris l'argent et est partie. Les murs sont finis, mais le plancher est par endroit complètement pourri. Notre travail a donc été de démonter le plancher de la cuisine et de la salle de bain et de replacer des nouvelles poutres, appelées ici des 2 par 7, 2 inches par 7 inches, en soulevant la maison à l'aide de vérins.


Voilà. Globalement, je pense que j'apprends même si parfois il y a des moments d'inactivité. Le chargé d'organisation n'est pas très à cheval sur l'organisation, il n'y a aucun planning. J'essaie au maximum de comprendre sur quel chantier il y a besoin de main d'oeuvre. Mais parfois, je me retrouve inactive, et je n'aime pas ça. Je ne vais pas m'attarder sur les problèmes d'organisation de l'association, il y en aurait un peu trop à dire. J'ai convenu avec Ujine, qui s'occupe de publier le journal de l'asso, de lui écrire un article sur ma recherche. Ca va m'être bien utile d'avoir la traduction de mon travail pour pouvoir le communiquer aux personnes (architectes etc.) que je suis en train de contacter. Ainsi, les moments de flottement, je traduis mon sujet, réfléchi à mon projet, en bossant simultanément pour moi et pour l'association. C'est un bon compromis. J'ai décidé que si parfois il ne semble pas y avoir de boulot, et que "les organisateurs" ne m'aiguillent pas un peu, je ne dois pas avoir de scrupules à bosser pour moi. C'est ma bonne résolution : pas de scrupules mal placés.

Le poulet rôti du dimanche me manque!

Depuis le début de la semaine Miss Clara qui fait la cuisine est absente. Un semblant d'organisation s'est donc mis en place pour la remplacé. Aujourd'hui, j'ai participé à la préparation du dîner avec Briana, 18 ans, qui va commencé le collège en se spécialisant dans les arts, le cinéma... Elle est très gentille, avec un côté immature et enfantin dont elle joue beaucoup.
Il y avait des choux de bruxelles et 3 poulets à préparer. Briana, ne s'en sentant pas capable, m'a gentiment confié la charge des poulets. Ok. Je me suis donc coltiné la préparation, l'évidage, l'assaisonnement et la surveillance de la cuisson pendant 3 heures. A 17h30, les choux de bruxelles étaient près, mais les poulets avaient encore besoin d'une demi-heure de cuisson et d'être découpés. Tout les monde a commencé à revenir des chantiers et s'est servi de choux, de riz et de salade, pendant que je faisais de mon mieux pour couper le poulet exactement sur les articulations comme il se doit. Comme je débitais les morceaux, chacun s'est servi au fur et à mesure. Certains n'avaient sûrement jamais réaliser le temps que prend la préparation de trois poulets, et m'ont félicité pour le travail accompli.
Evidemment, je me suis préparé une assiette avec les morceaux des carcasses, je ne suis pas sote, je n'allais pas laissé le sot-l'y-laisse! J'ai donné quelques restes au chien, qui a semblé faire la fine bouche, mais paraît-il ,il est timide et n'aime pas manger devant les gens!
Le moment était enfin venu pour moi de m'atabler! Forcément, tout le monde avait fini de manger... et j'ai pensé avec nostalgie à ce que représente pour moi "le poulet rôti du dimanche" : un repas convivial en famille ou avec des amis, où tout le monde prend le temps de manger ensemble et de se parler. Toute seule devant mon assiette j'étais bien loin de ça. Ca doit être ça qu'on appelle le mal du pays pour un français!

09/02/2009

La maison de Ron


Voici la maison de Ron : Structure bois, rez de chaussée habillé de briques, sûrement pour paraître plus solide face à la prochaine inondation, l'étage permettra aux habitants de se réfugier. La maison est conçue pour deux familles avec deux entrées indépendantes, Ron+ sa femme + sa fille, Belle soeur de Ron + son mari + leur fille. La distribution des pièces m'a semblée différente du standard français. Au rez-de-chaussée, le salon et la cuisine sont attenants, le salon étant vraiment petit. Il y a deux petites chambres. A l'étage, 3 chambres, dont une plus grande que le salon, et qui communiquent toutes entre elles par des portes.

La notion d'intimité, la séparation des zones nuit / jour, ne sont pas les mêmes qu'en France. Cela peut venir du modèle de la maison traditionnelle, populaire, de la Nouvelle-Orléans : la maison Shotgun. C'est une maison
pour deux familles toute en longueur, divisée en deux dans le sens de la longueur . Toutes les pièces sont en enfilades, cuisine, salon et chambre, sans couloir. Du coup, il n'y a pas vraiment d'intimité, dans la maison, et entre les deux familles, puisque l'isolation acoustique n'est vraiment pas terrible. Voici une photo, d'une de ces maisons.


Le travail dans la maison de Ron consistait à avancer les "placo". Faire les bandes d'enduit, je n'avais jamais fait ça auparavant, donc j'apprends et c'est pas mal! D'ailleurs, j'aprécie bien le fait de travailler avec mes mains, de perfectionner la technique, de devenir plus habile et efficace au bout de quelques jours, de ressentir la satisfaction du travail acompli!


Common Ground est appelé par des gens du quartier qui ont besoin d'un coup de main pour avancer leurs travaux. AJ (prononcer "èdgi") le coordinateur travaux, qui n'a rien de très pro, va évaluer le travail et éventuellement envoyer une équipe. C'est pareil, ce n'est vraiment pas grand chose et l'organisation n'est pas terrible, mais les volontaires sont bénévoles et on ne peut pas exiger le même niveau de préstation que des professionnels. Mais quand même, je me dis qu'avec un rien de plus d'organisation, ce serait plus efficace! N'empêche qu'en 3 jours à 5, on a fini les placo de la maison de Ron.

Visite du Lower Ninth par Smity

Samedi après-midi, toute la petite équipe de Common Ground est montée dans le minibus pour suivre la visite du quartier commentée par Smity. Je ne sais pas très bien qui est Smity. Quand je lui ai demandé si je pouvais l'enregistrer pour pouvoir réécouter et tout comprendre de son intervention, il m'a dit que non. Visiblement, il a le projet d'écrire un livre et ne veux pas voir ses idées publiées n'importe où. Bon.

La première étape de la visite était le musée qu'un habitant du quartier à créer, dans le fond de son jardin. Il a réuni une tonne de photos et d'objets concernant la tradition des Blacks Indians. Jusqu'aux années 70, les parades des Blacks Indians étaient exclues du Carnaval officiel de la Nouvelle-Orléans. Visiblement, l'adoption des costumes indiens par la communauté afro-americaine à plusieures origines possible, notamment, celle d'exprimer une solidarité entre les minorités opressées aux US. Avec Katrina, beaucoup des troupes de Black Indians ont été dépeuplées et tentent de renaître. Les costumes doivent être les plus beaux possible et peu cher. Au départ, ils étaient constitués essentiellement d'éléments de récupération : capsules de bouteilles, vieux bijoux, plumes et perles... Pour chaque costume, il s'agit d'heures et d'heures de travail pendant des mois avant la parade. J'espère avoir l'occasion de les voir, mais leur parade est en décembre.




A la suite de ça, nous sommes allés dans différents points du Lower 9th. Le regard de Smity est sans illusions sur l'avenir du quartier. Selon lui, rien n'a été fait pour permettre aux gens de revenir, les écoles ne sont pas réouvertes, les aides à la reconstruction sont dérisoires etc. Le gouvernement attend le prochain ouragan pour faire place nette et faire un nouveau quartier neuf, avec une nouvelle population. C'est ce que j'ai compris de son discours.

En sortant de cette visite on se demande quelle action peut avoir Common Ground, quand il n'y a aucune volonté politique pour faire "renaître" le quartier. De plus, aider des gens à revenir dans un quartier dépeuplé qui peut à nouveau être recouvert par les flots a-t-il vraiment un sens? Comment peut se reformer une vie de quartier dans une zone aussi dévastée et abandonnée? On dit "les petits ruisseaux etc", mais j'ai du mal à croire que leur action soit vraiment efficace, elle a néanmoins le mérite d'exister.